La COVID-19 vient de provoquer la mort du gestionnaire de type PODC

May 9, 2021 | Gestion

La COVID-19 est définitivement un phénomène médical et épidémiologique, mais c’est également beaucoup plus. C’est un événement traumatisant sur le plan psychologique, perturbateur sur le plan économique, et très complexe sur le plan de la logistique.

La difficulté à gérer ce projet par les personnes en situation d’autorité, jusqu’à présent, réside dans leur incapacité à pouvoir intégrer l’ensemble des composantes énumérées précédemment dans un tout cohérent. L’interdépendance de ces variables et la complexité à pouvoir mesurer l’impact de chaque décision sur un ensemble d’autres variables qui n’ont pas encore toutes été identifiées, font graduer ce projet complexe en une crise.

La gestion efficace et efficiente de cette crise par nos leaders requiert la prise de commandement d’un événement qui se définit comme étant unique, global, intégré et complexe.

On ne parle pas ici seulement de nos leaders politiques mais également des leaders aux sein de nos organisations.

Soyons clairs : La taille et l’envergure de cet événement dépassent ce à quoi nos gestionnaires sont habitués à gérer, incluant les différentes situations d’urgence avec lesquelles nous avons été confrontés au cours des années passées.

Bref, chaque crise est un amalgame de problèmes, de priorités conflictuelles, de questions, de décisions et de tâches à adresser. Pour gérer ce type d’urgence, les leaders doivent identifier les problèmes à régler, déterminer des priorités sous forme de stratégies, recadrer les questions en suspens, prendre des décisions sous forme de tactiques, déléguer les tâches aux acteurs appropriés et assurer le contrôle des opérations.

Normalement, lors d’interventions caractérisées comme étant « routinières », les problèmes ont déjà été documentés lors d’événements similaires survenus dans le passé alors ils sont relativement faciles à identifier. Les priorités ont déjà été analysées et débattues à l’avance par des experts sectoriels, des plans de matchs ont été rédigés, les questions à adresser ont même fait l’objet de listes à puces et/ou de tableaux, la prise de décision est basée sur des données historiques, et les meilleures pratiques d’affaires ont été définies sous forme de processus cartographiés. En somme, les gestionnaires de type PODC savent exactement les moyens à prendre pour enrayer les problèmes techniques rencontrés et n’ont qu’à se concentrer sur la mise en place de ces moyens sur le terrain.

Or, il n’y a aucune de ces conditions qui soient présentes actuellement dans la gestion de la crise provoquée par la COVID-19.

Il y a très peu de gens qui peuvent se vanter d’avoir vécu un événement similaire à ce que nous vivons présentement. Les circonstances actuelles sont dynamiques, c’est-à-dire qu’elles changent au fur et à mesure que nous commençons à comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain. Notre compréhension de la réalité à laquelle nous sommes confrontés évolue à mesure que nous reconstruisons nos prémisses de base et nos hypothèses. C’est très déstabilisant pour ceux qui doivent gérer ce type de crise. Ça peut même provoquer un sentiment de vertige et de chaos pour plusieurs gestionnaires qui auront perdu leurs repères.

Nos vrais leaders découvrent l’étendue des dommages à chaque jour, cernent les problèmes avec un peu plus de justesse, identifient les interrelations qui existent entre les différentes variables auxquelles ils sont confrontées au fur et à mesure que la crise se poursuit, doivent prendre des décisions qui risquent de changer au fil du temps en fonction de la granularité de leur compréhension du problème, doivent s’adjoindre la collaboration de partenaires qui ne comprennent pas nécessairement bien leurs nouveaux rôles, qui n’ont pas les compétences nécessaires pour accomplir leurs nouvelles responsabilités et/ou qui cherchent à se déresponsabiliser face à la nouvelle mission qui leur est confiée, ils doivent composer avec leurs propres contraintes édictées par une bureaucratie qu’ils ont eux-mêmes implanté au fil du temps afin d’encadrer (et retarder!) la prise de décision… le tout devant un auditoire de citoyens ou d’employés confinés à la maison qui ont placé des attentes très élevées envers ces mêmes leaders… par confiance ou par dépit!

En somme, ces leaders sont contraints de devoir déconstruire ce qui a été implanté par les gestionnaires dépassés de type PODC qui les précédaient pour reconstruire les nouvelles bases qui leur permettront de survivre à l’économie de demain.

Nous assistons présentement à l’émergence d’une nouvelle génération de leaders qui n’auront pas nécessairement été formés pour gérer le type de crise que nous vivons actuellement, mais qui deviendront rapidement des experts pour composer avec une multitude de nouvelles variables encore inconnues qu’ils découvriront au fil des événements qui se présenteront à eux, et qui s’engageront activement à vouloir régler des problèmes très complexes en temps réel… en collaboration avec leurs équipes respectives… afin d’éviter les échecs cuisants… et une extinction rapide de leurs organisations dans cette nouvelle économie qui ne fait que débuter.

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.