La lente disparition des pompiers à temps partiel se poursuit…

Sep 7, 2020 | Urgence

Dans plus de 600 municipalités au Québec, lorsqu’un feu éclate, des pompiers à temps partiel se présentent sur les lieux pour l’éteindre.

Toutefois, leur nombre ne cesse de diminuer. Alors que la plupart des municipalités pouvaient jadis compter sur une église, une caisse populaire et une brigade de pompiers dévoués, voilà que cette réalité change.

Il restait, au dernier recensement par le MSP, encore quatre fois plus de pompiers à temps partiel que de pompiers à temps plein au Québec mais ce rapport tend à diminuer avec l’avènement de plusieurs services d’incendie qui ont déjà implanté, ou qui implanteront des statuts à temps plein ou de la garde interne au cours des prochaines années.

Aux États-Unis, la NFPA évaluait, en 2015, à 50% le pourcentage d’accroissement du nombre de pompiers à temps plein depuis le milieu des années 80. L’augmentation du nombre de foyers à deux revenus fait en sorte qu’il reste beaucoup moins souvent un des deux parents à la maison pour s’occuper des enfants lorsqu’une alarme résonne et que le pompier doit quitter précipitamment pour les lieux de l’intervention. On blâme aussi le choc des générations, l’exode des régions et le vieillissement de la population pour expliquer les difficultés de recrutement des pompiers à temps partiel.

Alors que le statut à temps partiel des pompiers permet toujours des économies substantielles pour les municipalités, plusieurs services sont désespérés pour recruter des nouveaux pompiers au sein de leurs brigades. La pandémie actuelle de la COVID-19 n’aura fait qu’accentuer la situation pour les municipalités les plus fragiles…

Malheureusement, dans la tête de plusieurs décideurs, la durée de la formation initiale obligatoire des pompiers est à blâmer puisqu’elle rend la tâche de recruter difficile… voire impossible. En effet, ça prend dorénavant plus de 300 heures pour devenir pompier dans un service d’incendie, sans compter les nombreuses heures de pratique pour maintenir à jour les compétences, pour espérer faire partie d’une équipe de pompiers dévoués qui n’interviendront parfois que très rarement. Par contre, plusieurs provinces canadiennes et états américains n’imposent pas de formation obligatoire pour devenir pompiers à temps partiel, mais éprouvent tout de même de graves difficultés de recrutement dans leurs casernes. La formation ne peut donc pas être le seul facteur qui explique la situation qui prévaut dans nos casernes.  

Alors que certaines directions sont tentées de faire survivre ce vestige du passé en nivelant par le bas leurs attentes et/ou en diminuant les niveaux de services offerts à la population dans le renouvellement de leurs schémas de couverture de risques, d’autres sont en mode solution. Elles ont compris que le futur devait passer par un renouveau dans l’état d’esprit des gens : le rôle de pompier est dorénavant un métier au même titre qu’un électricien, plombier ou policier. Fini le temps où c’était un passe-temps sérieux ou un club social.

Ces municipalités ont pris les actions qui s’imposaient.

Les directions avant-gardistes ont compris que le métier de pompier passait nécessairement par un regroupement des expertises au sein de plus grands services, par le partage des ressources au niveau de ces mêmes entités élargies et par l’instauration de structures à temps plein ou avec de la garde interne… du moins pour assurer minimalement la force de frappe initiale qui répondra adéquatement à plus de 95% des appels du service.

Si cette façon de faire constitue une certaine menace pour les petits services d’incendie qui ont si longtemps caractérisés nos villages, elle vient adresser un constat brutal qui frappe nos directions de services à temps partiel.

« Non seulement les quelques pompiers qui restaient n’étaient plus aussi disponibles qu’avant pour répondre aux appels, mais il fallait dorénavant les payer pour qu’ils soient bénévoles lors des événements communautaires… et ça, c’est quand nous réussissions à avoir des pompiers disponibles! », me disait dernièrement un directeur lors d’un mandat d’accompagnement en gestion stratégique.

Les municipalités désireuses de se conformer aux exigences réglementaires imposées par les différentes structures ont également réalisées que la charge de travail était devenue trop élevée et/ou trop complexe pour continuer à gérer le tout par une direction à 8 heures par semaine. Elles ont alors investi dans une saine administration de leur service d’incendie, soit en déléguant la direction de leur service à l’un des municipalités limitrophes, soit en augmentant le nombre d’heures rémunérées à la direction de leur propre service.

Le résultat à ce jour? Plutôt que de privilégier les fermetures massives de casernes comme plusieurs l’avaient anticipé lorsque le spectre des regroupements a vu le jour en 2015, ces municipalités dynamiques ont :

  • Augmenté drastiquement le niveau de service offert à la population desservie par la mise en place d’une réponse rapide aux appels et par l’implantation de nouvelles spécialités;
  • Accru significativement le niveau de mobilisation de leurs officiers et de leurs pompiers en créant des emplois qui leur permettent dorénavant de vivre de leur passion, sans pour autant éliminer le rôle essentiel des pompiers à temps partiel;
  • Optimisé les ressources humaines, financières, matérielles et technologiques dédiées à la sécurité incendie afin de maintenir un modèle financier qui assurera la pérennité des services tout en respectant la capacité de payer des contribuables.

Bref, ces municipalités auront donné les moyens à leurs services de sécurité incendie d’assumer pleinement leur mission de sauvegarder des vies, protéger des biens tout en préservant l’environnement.

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.