Le Devoir mentionnait dernièrement : « La pénurie de main-d’œuvre frappe le Québec de plein fouet et elle n’est pas en voie de se résorber. Le gouvernement anticipe que d’ici 2030, il y aura 1,4 million de postes à pouvoir dans la province. Le phénomène n’épargne aucune région et aucun secteur. »
D’ailleurs, cette situation était prévisible depuis longtemps. C’était même l’objet de mon mémoire de maîtrise déposé en décembre 2000 à HEC Montréal !
Les statistiques ne mentent pas : nous allons frapper le fond du baril en 2030 et tranquillement remonter vers un équilibre dans les années qui suivront. D’ici là, ce sera le Far-West au niveau du marché du travail pour recruter et fidéliser des employés dans toutes les organisations de la province.
Pour se rapprocher de notre secteur de l’urgence, imaginez quelques instants les jeunes qui termineront leur secondaire cette année et qui auront à choisir entre aller suivre un DEC qui leur permettra de décrocher un poste assuré de policier, suite au recrutement massif prévu au SPVM et à la SQ, ou un DEC en sécurité incendie pour obtenir un possible poste de pompier à temps plein, associé à 19 formes de cancer reconnus un peu partout au Canada, et dont seulement 16% des diplômés de ce DEC pourront immédiatement en vivre alors que les autres devront conjuguer avec deux ou trois emplois pendant 10 ans avant d’avoir un semblant de permanence. Quel choix feront-ils pensez-vous?
Vous croyez que ce sera mieux du côté des temps partiel? Pas du tout. Les entreprises roulent déjà sur le fer et les employés doivent souvent supporter la charge de travail de deux, voire de trois employés. Les travailleurs ont-ils le goût d’aller se former pendant un minimum de 255 heures pour intervenir dans leurs rares moments de libres… ou pire, de subir les foudres de leur officier parce qu’ils manquent leur garde externe parce qu’ils doivent effectuer du temps supplémentaire à quatre fois leur salaire de pompier? Croyez-vous que les patrons ont réellement le goût de laisser leurs employés quitter leur milieu de travail pour répondre à des fausses alarmes ou des accidents sans désincarcération? Ah oui… lâchez-moi la loi qui oblige les employeurs à le faire… elle est bafouée dans tous les sens depuis très longtemps et personne n’est allé en prison à cause de ça.
Croyez-moi, le secteur de l’incendie est en crise. Le mur est là et on vient de le frapper en plein visage. On devra l’accepter, se regarder dans le miroir et revoir nos façons de faire de fond en comble.
Il est fini le temps où on recrutait facilement des pompiers dans nos services avec un affichage poche qui ne faisait que décrire les articles de la convention collection ou les multiples exigences irréalistes du poste. Il est fini le temps où les directions pouvaient traiter les pompiers comme des poissons pourries sans en subir les conséquences.
La gestion des humains n’a jamais été autant stratégique que maintenant. Il est temps de revoir le contenu de nos formations, d’innover dans nos méthodes de recrutement du personnel, de modifier nos façons d’encadrer nos pompiers et officiers, et il est grand temps de partager nos rares ressources spécialisées entre plusieurs services de sécurité incendie!
