La silencieuse démission des pompiers

Sep 4, 2022 | RH

Ils ont récemment mis un mot sur ce que nous vivons dans nos casernes depuis quelques années : la démission silencieuse des pompiers (traduction de « quiet quitting »).

Ce n’est pas un secret pour personne puisqu’à part quelques gros services au Québec, les pompiers sont toujours sur appel, que ce soit sous forme de garde interne, garde externe, sur aggravation, etc.

Ça devient lourd à supporter pour plusieurs.

Plutôt que de démissionner de leurs postes de pompiers durement acquis, les milléniaux et les Z (puisque c’est eux qui sont visés par ce phénomène) ont décidé de se protéger en ne faisant que le strict minimum pour garder leurs postes dans leurs services. That’s it !

«Ce nouveau mouvement reflète le grand désir de conciliation travail-vie personnelle qu’on associe aux millénariaux, estime la professeure au département d’organisation et ressources humaines à l’ESG UQAM, Joëlle Carpentier. Pendant la pandémie, (…) il y a eu une certaine perte de sens associée au travail.» (24 heures.ca)

Concrètement, ça donne quoi?

  • Ça donne des pompiers à temps plein qui font la garde sur leurs équipes respectives mais qui ne répondent plus sur les alarmes supérieures en garde externe (taux de rappel anémique, ça vous dit de quoi?) ou qui ne sont pas disponibles pour remplacer leurs confrères et consœurs de travail pendant leurs vacances.
  • Ça donne des pompiers à temps partiel qui font les heures minimales requises en garde interne ou en garde externe mais qui ne sont pas disponibles pour en faire davantage.
  • Ça donne des pompiers sur appel qui viennent aux pratiques, aux entretiens et aux appels selon les pourcentages requis dans l’entente de travail… ou simplement quand ça leur convient (si aucun seuil minimum n’a été établi par le service).

Ce changement de paradigme créé des frustrations pour les officiers de direction qui peinent à recruter des pompiers dans leurs services (lire : La pénurie de pompiers et d’officiers ne fait que débuter! – Icarium) et qui doivent miser sur les pompiers existants pour assurer le bon fonctionnement de leurs organisations.

Pourquoi agir ainsi, me direz-vous? Certains mentionnent que c’est un outil de protection qu’utilisent les jeunes pompiers pour assurer un meilleur équilibre de vie entre la famille et le travail, alors que d’autres, plus cyniques, vous diront que c’est le manque de reconnaissance de la part de leur employeur qui leur a fait perdre le sens du travail à accomplir. Finalement, les plus âgés vous expliqueront la situation en comparant les boomers et les X qui ont dû trimer fort pour obtenir un poste, monter en grade et avoir un salaire décent avec les plus jeunes qui ont d’excellentes conditions de travail dès leur entrée en poste et qui n’ont pas besoin d’en faire davantage pour vivre convenablement.

Bref, un nouveau phénomène RH qui vient s’ajouter à la complexité de gérer un service de sécurité incendie et qui met encore plus de pression, non seulement sur les épaules des officiers de direction, mais également sur les pompiers eux-mêmes qui doivent souvent se débrouiller beaucoup plus longtemps à court de personnel sur les interventions… allongeant la durée de celles-ci… et alimentant la roue dans laquelle ils se promettront de ne plus se rendre disponibles lors de la prochaine intervention d’envergure afin de rendre la monnaie à leurs collègues silencieusement désengagés.

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.