Réveillez-vous! Votre service d’incendie est mourant!

Mar 20, 2017 | Urgence

Les citoyens manquent une belle occasion présentement d’influencer le cours des événements dans leur municipalité!

Ces mêmes citoyens qui sont toujours plus exigeants envers leurs services d’urgence mais qui ne sont pas prêts à consacrer quelques heures par semaine pour que ceux-ci puissent survivre. Alors ces services se meurent… un par un… à chaque jour au Québec… dans le silence et l’anonymat.

Sinon, au mieux, on les maintient artificiellement en vie en faisant accroire aux citoyens qu’ils sont en sécurité.

Si seulement ils savaient la vérité…

Pour avoir passé les deux dernières années à parcourir les casernes du Québec, j’affirme haut et fort qu’une majorité des services de sécurité incendie à temps partiel sont en crise et que c’est principalement la faute des citoyens.

OUI, des citoyens!

D’abord, le citoyen élu :

  • Qui autorise ou refuse l’achat de véhicules neufs à plus d’un demi-million de dollars sans poser de questions?
  • Qui autorise la construction de casernes grandioses et modernes mais n’a que deux camions à y placer et trois pompiers pour y travailler? À l’inverse, qui refuse la rénovation de casernes alors que l’actuelle est sur le point de tomber en ruine?
  • Qui achète de la machinerie et des équipements très onéreux pour son service de sécurité incendie alors que le service de la municipalité d’à côté a les mêmes équipements qui pourraient servir pour les deux municipalités?
  • Qui défi ouvertement la loi en santé et sécurité au travail, la loi en sécurité incendie, le règlement sur les conditions pour exercer au sein d’un service de sécurité incendie et les autres obligations légales au Québec car ça coûte cher pour s’y conformer?
  • Qui se ment à lui-même et ne respecte pas son propre schéma de couverture de risques en sécurité incendie?

Triste… mais c’est le citoyen élu. Il vous mentionnera sûrement qu’il est mal conseillé par son directeur général ou par son chef pompier. Alors qu’il pose des questions et qu’il exige des réponses! Dans mon livre à moi, qui ne dit rien consent.

Dans un modèle théorique, le citoyen élu devrait être ramené à l’ordre par le citoyen électeur. La réalité est toute autre. Le citoyen électeur est dorénavant centré sur ses propres besoins… au point où il n’a même pas le temps d’aller voter pour élire le citoyen élu.

  • Pourquoi accepterait-il de payer plus cher pour sa sécurité incendie surtout si sa maison à lui ne brûlera jamais?
  • Pourquoi irait-il consacrer quelques heures par semaine à son service de sécurité incendie à titre de pompier à temps partiel alors que les autres peuvent le faire? De toute façon, il n’a pas vraiment le temps… il a une vie à vivre.
  • Pourquoi se conformerait-il à un règlement municipal sur la prévention des incendies alors que lui a toujours le parfait contrôle de la situation.
  • Pourquoi perdrait-il du temps pour aller au conseil de ville un soir de semaine pour aller poser des questions à ses élus et/ou à son chef pompier sur les achats de sa municipalité en équipements et immobilisations en sécurité incendie alors qu’il pourrait faire autre chose de sa vie?
  • Pourquoi devrait-il se déplacer dans une consultation publique sur le schéma de couverture de risques en sécurité incendie pour aller entendre comment les intervenants en sécurité incendie ont planifié lui venir en aide si jamais il était dans le besoin?

Le citoyen électeur est désengagé face à la sécurité incendie et l’effet est visible dans toutes les régions au Québec. Il laisse donc la voie libre au citoyen électeur, à son directeur général et à son chef pompier pour que ceux-ci gèrent sa sécurité en toute liberté

Le constat frappe:

  • Pénurie de pompiers dans la majorité des municipalités à l’extérieur du périmètre urbain;
  • Manque criant de formation initiale mais surtout de formation continue des intervenants en sécurité incendie;
  • Casernes vétustes à plusieurs endroits avec des risques majeurs en santé et sécurité pour les intervenants;
  • On met à risque la vie des pompiers par l’utilisation d’équipement de protection individuelle désuet qui ne protègent plus efficacement contre la fumée et autres substances cancérigènes;
  • Mauvaise allocation des ressources matérielles et financières par la duplication des achats d’équipements (identiques) entre les municipalités limitrophes dans un contexte où elles n’ont pas d’argent;
  • Démobilisation des troupes dans les casernes… donc apparition de problèmes de rétention du personnel.

Bref, le scénario actuel met la table à la mise en commun des ressources dédiées à la sécurité incendie. Non, pas ce mot interdit!!! Oui, et c’est la faute des citoyens.

On observe déjà les municipalités proactives, celles qui ont vraiment à cœur le bien de leurs citoyens électeurs, qui sont à se regrouper pour unifier leurs pompiers à temps partiel dans des rôles à temps plein ou minimalement avec de la garde interne en caserne dans les moments creux de la journée, qui sont à fermer les casernes vétustes pour laisser place à quelques casernes modernes positionnées stratégiquement sur le territoire unifié et qui sont à implanter une structure moderne de la sécurité incendie pour le bien des citoyens.

Pour les autres municipalités, je crois sincèrement qu’il y a encore de l’espoir. Par contre, ça voudra dire d’investir massivement dans une vaste campagne de sensibilisation auprès de la population afin de sauver le service de sécurité incendie de proximité qu’ils ont. Ça veut dire l’implication des élus, de la direction générale et des pompiers. Ça veut dire d’entrer dans une Grande-séduction pour sauver ce joyau qu’ils ont encore à la portée de main. Ça veut dire d’être des experts en marketing pour redonner la passion à ces gens qui l’ont perdu.

Elles devront également mettre à jour leurs casernes, véhicules, machinerie, équipements de protection individuelle et former adéquatement leurs pompiers en lien avec les nouvelles réalités du métier de pompier.

Trop dispendieux cette stratégie? Irréaliste?

Alors le citoyen élu et le citoyen électeur auront tout intérêt à regarder la réalité telle qu’elle est et à travailler ensemble afin de rejoindre le groupe des municipalités proactives plutôt que de faire partie de la triste liste des municipalités réactives et voir leur service de sécurité mourir bêtement… dans l’anonymat… comme présentement.

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.