Ce qui fait RÉELLEMENT fuir les pompiers à temps partiel des casernes!

Oct 1, 2019 | RH

Pourquoi éprouve-t-on autant de problèmes à conserver les pompiers à temps partiel au sein des services de sécurité incendie?

Lorsque la question est posée aux officiers et gestionnaires municipaux, les réponses faciles sortent spontanément : les salaires sont trop bas, la formation obligatoire est trop longue… ou pire, notre jeunesse est lâche et sans passion!

C’est peut-être vrai dans certaines occasions… mais ce ne sont pas les raisons qui poussent au départ de nos pompiers à temps partiel si difficiles à recruter.

En fait, ces réponses témoignent surtout d’une certaine déresponsabilisation de ceux ou celles qui les mentionnent de toute implication dans la situation problématique. On préfère jouer à l’autruche.

En réalité, il y a trois raisons qui expliquent principalement pourquoi les pompiers à temps partiel quittent prématurément leurs services de sécurité incendie.

1.      La difficile conciliation travail-famille-pompier

Vouloir fonder une famille est sain et normal. Par contre, ça apporte son lot de responsabilités. De nos jours, les conjoints et conjointes des pompiers à temps partiel travaillent eux-mêmes à temps plein et doivent eux-mêmes concilier le travail et la famille. Le soir, ils sont fatigués et espèrent avoir de l’aide dans la préparation des repas, pour le lavage, dans la supervision des devoirs avec les enfants, pour le ménage de la maison, pour effectuer les commissions, pour accompagner les enfants aux différentes activités sportives… bref, pour assurer le bon fonctionnement du cocon familial.

Ajoutez à cela l’étalement urbain qui fait en sorte qu’on effectue un trajet de plus en plus long pour se rendre au travail (ou qu’on reste pris de plus en plus longtemps dans le trafic!), et il est facile de réaliser qu’on a de moins en moins de temps pour effectuer l’ensemble de ces tâches familiales.

L’implication au sein de la brigade des pompiers à temps partiel requiert du temps et empiète sur le difficile équilibre familiale à établir et maintenir.

Plusieurs pompiers à temps partiel décident alors de prioriser leur emploi à temps plein qui met du beurre sur la table et leur famille au détriment de l’implication communautaire. Ils quittent alors leur service.

Peut-on leur en vouloir?

2.      Un mauvais patron

Il y a ce vieil adage qui dit qu’on quitte d’abord un mauvais patron, et non un emploi.

Il n’y a rien de plus frustrant pour un pompier performant de constater qu’il travaille sous les ordres d’un officier qui n’a pas les connaissances et/ou les compétences pour occuper le poste dont il a la responsabilité.

Un mauvais officier fera régner un sentiment d’injustice et d’iniquité au sein de son équipe, ne donnera aucun alignement clair à ses troupes… car il ne sait pas lui-même où il s’en va. Pire, non seulement ne donnera-t-il jamais de reconnaissance aux membres de son équipe, mais lorsque les choses iront mal, il se retournera systématiquement contre ceux-ci et les blâmera pour tous les problèmes rencontrés.

Un mauvais patron ne développera jamais ses subalternes… car il a beaucoup trop peur que ceux-ci acquièrent les connaissances nécessaires pour finalement découvrir l’ampleur de son niveau d’incompétence.

Un tel patron créé une ambiance de travail morose et négative au sein de son équipe. Il tente de régner en divisant les troupes. Au mieux, il réussira à créer un groupe d’employés soudés serrés… autour de leur syndicat.

Le pompier qui s’implique sur son temps personnel aime être fier de son milieu de travail et sentir que son officier supérieur le fait grandir au quotidien. Il veut se développer… apprendre de nouvelles choses… se réaliser. Il veut avoir du plaisir et non baigner dans un climat de travail tendu… surtout dans un emploi à temps partiel. Il ne veut surtout pas mettre sa vie entre les mains de quelqu’un en qui il n’a pas confiance.

Un service de sécurité incendie a besoin d’officiers compétents à TOUS les niveaux de l’organigramme.

Un pompier choisira souvent de quitter un officier incompétent… au détriment de son poste qu’il aimait pourtant et/ou de sa passion… maintenant éteinte.

3.      Le choc d’un rêve mal vendu au départ

Finalement, afin de faciliter le recrutement des pompiers à temps partiel, la direction de plusieurs services de sécurité incendie véhicule une image de feu et de sinistres majeurs. Les affichages de postes sont d’ailleurs placardés de mots clés : incendie, interventions, vies, sauvetages, etc. On vend alors aux candidats un rêve… celui d’être assurément le pompier héro qui sortira une pauvre victime d’une maison sur le point de s’effondrer. On créé des attentes… souvent irréalistes chez les futurs pompiers.

Le choc de la réalité frappe de plein fouet les nouveaux pompiers lors de leur entrée en poste. Soyons honnête, le travail de pompier à temps partiel est plutôt routinier! Entretien de véhicules, entretien des petits moteurs, vérifications des appareils respiratoires, formation, pratiques, réunions d’information, visites de bâtiments, visites de prévention dans les résidences, etc. Bref, un pompier sécrète peu d’adrénaline à effectuer l’ensemble de ces tâches.

Lorsqu’ils ont finalement un appel, il s’agit souvent d’une fausse alarme ou d’un appel non-fondé. Le choc est amplifié au sein des très petits services comptant moins de 50 appels par année. On peut passer plus d’une semaine sans appel… à se raser à tous les jours… à ne pas consommer d’alcool… à placer ses vêtements en ordre… à penser à un plan B pour les enfants… en attente d’un appel qui ne viendra jamais.

Les candidats performants veulent d’abord et avant tout s’accomplir dans leur rôle de pompiers à temps partiel. C’est d’ailleurs une des principales raisons qui pousse ces gens à vouloir s’impliquer dans leurs brigades : ils veulent se réaliser à défaut de pouvoir le faire dans leur emploi principal qui les fait pourtant vivre.

Ils veulent des responsabilités intéressantes, à la hauteur de leurs qualifications. Lorsque leur rôle ne se limite qu’à des tâches redondantes et répétitives, c’est l’ennui et la démotivation.

Ils quittent alors le service prématurément… 

En conclusion, tout officier de direction et/ou gestionnaire municipal devrait prendre le temps d’analyser les raisons qui expliquent un roulement de personnel anormalement élevé au sein de son service de sécurité incendie municipal. D’ailleurs, nous effectuons régulièrement des analyses du climat de travail qui s’avèrent souvent très utiles pour sonder les pompiers encore à l’emploi du service… alors que nos entrevues de départ permettent de tâter le pouls de ceux qui décident de quitter le bateau. L’ensemble des données colligées permettent alors de poser les bonnes actions afin de remédier à la situation.

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.