C’est toi qui viens nous fusionner?

Nov 29, 2020 | Gestion

C’est l’accueil glacial que me réservait un chef pompier voilà quelques mois. Ma réponse fut tout aussi directe.

Non, c’est plutôt moi qui s’en viens essayer de sauver ton service à court, moyen et long terme. Pour faire ça, je vais devoir analyser tes RH, c’est-à-dire ton groupe de pompiers, pour me permettre de déterminer ta réelle capacité à pouvoir atteindre ta force de frappe avec ou sans l’aide de tes voisins pour les cinq prochaines années. Je vais aussi analyser ta capacité à pouvoir recruter des nouveaux pompiers et la fragilité de tes voisins en matière de RH parce que les pompiers (et l’eau!), c’est le nerf de la guerre en sécurité incendie.

Je vais aussi analyser l’état de tes équipements, véhicules et caserne afin de voir s’ils répondent aux normes minimales au Québec… et quand je parle de normes minimales, je me situe au niveau des normes du travail, de la réglementation en SST et de la loi en sécurité incendie. À partir de mes constats, je vais rédiger un plan de match échelonné sur quelques années qui permettra à ton service d’adresser les lacunes constatées. En bas du plan, je vais mettre le montant que ça va te coûter pour en arriver là et je vais partir expliquer ça à ton DG et ton maire.

  • Oui mais t’arrête pas d’écrire des articles sur les réseaux sociaux, tu donnes de la formation avec l’ACSIQ qui prône les regroupements et c’est assez connu que t’as déjà participé à des regroupements ailleurs au Québec.

En fait, soyons honnête, ma moyenne au bâton en matière de regroupements est assez mauvaise. Mon problème, c’est que je réussis normalement à vulgariser suffisamment bien les lacunes observées et les obligations des municipalités que les DG et élus en viennent à comprendre l’urgence de la situation. Ils en viennent également à trouver mon plan logique et surtout, ils en viennent à comprendre que la sécurité incendie est suffisamment importante pour une communauté au point d’y investir le montant requis pour en assurer sa survie. Ils empruntent alors la voie du redressement. On me demande même de jouer mon rôle d’expert-conseil en gestion de l’urgence afin d’accompagner le chef pompier dans la transition entre l’état actuel du service et l’état désiré. C’est là qu’on implante le plan de match et qu’on assure la survie du service pour une période minimale de 5, 10, voire 15 ans.

Or, il arrive que, malgré un plan clair et précis, la réaction de mes clients soit plutôt différente. C’est celle où les élus et la direction générale comprennent l’ampleur du problème mais réalisent également qu’ils ont frappé LE mur (lire notre article pour comprendre ce qu’est le mur : Sécurité incendie : Nous allons frapper le mur! – Icarium) et qu’ils n’ont juste plus les moyens de pouvoir arriver à redresser le service selon le plan proposé. C’est alors que la possibilité de mettre en commun certaines ressources doit être sérieusement étudiée.

Au cours des dernières semaines, ce n’est pas une, deux, ni trois, mais bien quatre municipalités de quatre régions distinctes au Québec que j’ai aidées à aller voir leurs voisins pour établir un partenariat solide en matière de sécurité incendie. Sans rentrer dans le détail, les quatre municipalités conserveront leurs casernes, leurs pompiers, leurs véhicules dans leurs casernes, et les équipements sur leurs véhicules. Par contre, elles acceptent également d’investir dans la mise à niveau de ces ressources mais absorbent une partie de ces investissements par des gains en efficience, en partageant notamment la direction de leurs services et la gestion de leurs opérations (i.e. prévention, formation, RCCI, etc) avec un service limitrophe. Bref, ces quatre municipalités payeront plus chers pour leur desserte incendie qu’avant ma venue, mais beaucoup moins cher que le montant que j’avais inscrit en bas de mon plan de match initial qui visait à redresser seules leurs services respectifs.

Ah oui… pour ce qui est de mon chef pompier à l’accueil glacial, plutôt que de chercher à vouloir défragiliser son service de sécurité incendie et en assurer la pérennité pour le bien de ses citoyens, il a convaincu son conseil que mon plan de match était truffé de faussetés… ce qui a amené ceux-ci à prendre la décision de se retirer du projet… assurant ainsi un sursis à notre chef qui demeurera le roi de sa butte.

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.