La lente disparition des pompiers à temps partiel

Jan 17, 2016 | Gestion

Dans plus de 600 municipalités au Québec, lorsqu’un feu éclate, des pompiers à temps partiel se présentent sur les lieux pour l’éteindre.

Toutefois, leur nombre va en diminuant. Alors que la plupart des municipalités pouvaient jadis compter sur une église, une caisse populaire et une brigade de pompiers, voilà que cette réalité change.

Il reste encore plus de quatre fois plus de pompiers à temps partiel que de pompiers à temps plein au Québec mais ce rapport tend à diminuer avec l’avènement de plusieurs services d’incendie qui implanteront des statuts à temps plein ou de la garde interne au cours des prochaines années. Aux États-Unis, la NFPA évalue à 50% le pourcentage d’accroissement du nombre de pompiers à temps plein depuis le milieu des années 80. L’augmentation du nombre de foyers à deux revenus fait en sorte qu’il reste beaucoup moins souvent un des deux parents à la maison pour s’occuper des enfants lorsqu’une alarme résonne et que le pompier doit quitter précipitamment pour les lieux de l’intervention. On blâme aussi le choc des générations, l’exode des régions et le vieillissement de la population pour expliquer les difficultés de recrutement des pompiers à temps partiel.

Alors que le statut à temps partiel des pompiers permet toujours des économies substantielles pour les municipalités, plusieurs services sont désespérés pour recruter des nouveaux pompiers au sein de leurs brigades. Malheureusement, la durée de la formation initiale obligatoire des pompiers rend la tâche difficile… voire impossible. Ça prend dorénavant plus de 300 heures pour devenir pompier dans un service d’incendie, sans compter les nombreuses heures de pratique pour maintenir à jour les compétences, pour espérer faire partie d’une équipe  de pompiers dévoués qui n’interviendront parfois que très rarement.

« Il ne faut même pas calculer le retour sur investissement de notre temps et argent investis sinon on pleurerait des larmes de sang. On le fait simplement par passion!», me disait un pompier à temps partiel dernièrement.

Alors que plusieurs municipalités sont tentées de faire survivre ce vestige du passé en nivelant par le bas leurs attentes et en diminuant les niveaux de services offerts à la population dans le renouvellement de leurs schémas de couverture de risques, la solution doit passer par un renouveau dans l’état d’esprit des gens : le rôle de pompier est dorénavant un métier au même titre qu’un électricien, plombier ou policier. Fini le temps où c’était un passe-temps ou un club social.

Le futur du métier de pompier passera nécessairement par un regroupement des expertises au sein de plus grands services, par le partage des ressources au niveau de ces mêmes entités élargies et par l’instauration de structures à temps plein… du moins minimalement pour la force de frappe initiale qui répondra adéquatement à plus de 95% des appels du service. Quoi? Faire disparaître le petit service d’incendie qui a si longtemps caractérisé notre village et dont les fiers pompiers étaient présents à tous les événements sociaux de la région? On est rendu là! Remarquez que le Mouvement des Caisses Populaires se bute à la même résistance au changement lorsqu’elle ferme des caisses populaires un peu partout au Québec mais c’est la réalité de 2016 avec ses bons… et ses moins bons côtés. Les exigences réglementaires imposées par les différentes structures sont devenues trop élevées pour continuer à gérer le tout, sur appel ou à coup de 4 heures, un samedi matin, par un directeur assis seul dans le fond de sa caserne.

Comment se déroulera la transition? Quand assisterons-nous à ce mouvement de masse vers des services d’incendie renouvelés? Là est la question…

D’ici là, le défi continuera de peser lourd sur les épaules des officiers qui devront toujours offrir le même niveau de service impeccable auquel ils ont habitué la population depuis tant d’années, avec peu ou pas de ressources, tout en maintenant les troupes motivés. On se demande encore pourquoi les services d’incendie à temps partiel ont de la difficulté à recruter des officiers?

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.