Naissance d’un quasi-monopole des données incendie

May 24, 2022 | Urgence

En 2015, le logiciel Première ligne faisait l’objet d’un rachat par la firme PG Solutions qui l’intégrait à sa suite municipale.

En 2019, Harris Computer faisait l’acquisition de PG Solutions à gros prix. Après avoir digéré l’acquisition, elle a refilé la facture à ses clients sous forme d’une augmentation substantielle du prix des licences dépassant les 20%, et ce sans avertissement. Cette augmentation visait à « assurer la pérennité du logiciel par des investissements majeurs en recherche et développement…. » financés par ses clients bien sûr.

À ce point, c’est normal de voir des entreprises du secteur des technologies changer de main et c’est aussi normal de voir des entreprises avec une position dominante sur le marché qui prennent en otage leurs clients en augmentant leurs frais bien au-delà de l’indice des prix à la consommation .

Par contre, la semaine dernière, on annonçait que Harris Computer faisait l’acquisition de ICO Technologies, soit le propriétaire du logiciel BeeOn. Le même Harris Computer qui possède PG…

C’est là que je me questionne sur la concentration des données incendie entre les mains d’une seule entreprise basée en Ontario. À part quelques services qui utilisent des logiciels tels Emergensys ou, pour les grosses villes, qui ont développé leurs propres logiciels, la très grande majorité des services de sécurité incendie au Québec utilisent encore Première ligne et BeeOn pour rouler leur quotidien.

Qu’est-ce qui arriverait si Harris Computer faisait faillite? 95% des services perdraient leurs données historiques en prévention, intervention et administration. Bref, on reculerait de 15 ans en attendant la naissance d’un nouveau logiciel dont l’effort prendrait au moins un an de travail acharné avant de se voir déployé dans nos services.

De plus, doit-on s’attendre à une augmentation du prix des licences semblable à celle de PG? Pourquoi pas une augmentation de 50%, voire même 100% du prix des licences? Quelles sont les options sur la table si on n’est pas heureux? Le papier et crayon???

Bref, je suis surpris de voir le peu d’engouement du milieu face à cette annonce qui semble avoir passé sous le radar mais qui me préoccupe vraiment pour l’intégrité de nos données en sécurité incendie.

Je pousse ma réflexion. Un peu à l’instar des régions du Québec qui ont compensé le retrait d’Air Canada dans les dessertes régionales par la création de coopératives d’aviation, devrait-on envisager de développer un nouveau logiciel, conçu par les villes, pour les villes, et qui appartiendrait aux villes? Pourquoi pas une coopérative du logiciel ou une régie intermunicipale des données incendies?

Ça mérite certainement d’être considéré comme des options.

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.