Pourquoi sommes-nous ici?

Jun 25, 2021 | Urgence

Cette question n’est pas l’introduction à une profonde discussion philosophique sur notre existence, mais plutôt une question adressée à nous tous qui travaillons dans un service de sécurité incendie.

Il y a quinze ans, un ami m’a convaincu de postuler pour notre service de sécurité incendie local. Ce fut un exploit pour moi car j’avais peur du feu. Quand j’étais à la maternelle, mon ours en peluche était tombé sur ma veilleuse et avait allumé un petit feu. Je m’étais réveillé, j’avais rapidement secoué mes parents et mon père l’avait éteint. J’étais resté profondément secoué par la peur et j’étais souvent réveillé à réfléchir aux effets indésirables potentiels d’un tel événement dans ma tête.

Voilà que j’étais ici, un jeune âgé de 18 ans, remplissant une demande pour protéger les autres citoyens dans leurs pires jours et pour faire partie d’un service de sécurité incendie. J’ai passé des entrevues, des tests d’agilité, des examens physiques et j’ai complété de la paperasse. On m’a donné un habit de combat usagé, un téléavertisseur et une clé de la caserne de pompiers.

Au début, j’ai eu du mal à trouver mon équilibre, un mentor, et parfois, de savoir si j’avais pris la bonne décision de me joindre au service. Ensuite, j’ai commencé à suivre ma formation de base et j’ai rapidement trouvé quelqu’un qui a vu « ce petit quelque chose en moi » : Rob Grady, un pompier grisonnant de l’équipe 2 du service de sécurité incendie de Gary (IN). Il m’a appris les bases et m’a inculqué une chose simple : « Traitez chaque appel auquel vous répondez comme si c’était une urgence chez votre mère. »

Tout en continuant à me former et à poursuivre ma formation, on m’a demandé d’enseigner à notre académie des pompiers du district et d’assumer les responsabilités d’officier responsable de la formation au sein du service. Mon objectif était de rendre les réponses de notre service et de nos nouvelles recrues plus sécuritaires et d’aborder les appels plus efficacement, non seulement pour nous, mais aussi pour nos citoyens.

Au fur et à mesure que le temps passait et que mon expérience grandissait, j’ai remarqué qu’une attitude égoïste s’était installée sournoisement chez nos pompiers. Je me suis demandé, quand est-ce que nos efforts ont cessé de concerner NOUS et EUX pour devenir une simple expression du MOI ? Ceci, bien sûr, ne s’applique pas à tout le monde. Néanmoins, nous devrions tous nous demander : « Ai-je le bon état d’esprit ? »

Le bon état d’esprit

Notre réponse devrait commencer par une réflexion sur nous-même : nos capacités, nos connaissances, notre éthique de travail, notre compassion et notre passion pour le travail. Nos capacités et nos connaissances nous aideront à performer à un niveau hautement calculé et agressif. Notre éthique de travail n’est pas seulement notre façon d’être sur une scène d’urgence, mais aussi dans la caserne, au gymnase et sur le terrain de pratique. Cela comprend le renforcement et le durcissement de notre esprit, de notre corps et l’entretien de nos équipements et appareils afin qu’ils fonctionnent à des niveaux de pointe pour nous et pour nos citoyens qui traversent leurs pires jours. La compassion nous pousse à servir nos semblables selon les normes élevées qu’ils méritent. La passion nous guide à nous engager dans toutes ces choses et à continuer à nous pousser nous-même ainsi que ceux qui nous entourent. La passion est la pierre angulaire d’un pompier. Il nous propulse vers des sommets, au sens propre comme au figuré, que nous n’aurions jamais cru possible.

Pensez à vos mentors dans votre service d’incendie. Ils possèdent très probablement ces traits. C’est probablement encore ce qui vous a attiré vers eux et ce qui vous donne envie de travailler pour eux, d’apprendre d’eux, d’enseigner avec eux et d’être comme eux. Je suis maintenant capitaine et je roule sur le siège avant droit depuis six ans. Mon état d’esprit est de toujours m’attendre à l’inattendu. Je m’engage à ne pas accepter la complaisance pour moi-même, mon équipe, et surtout pas pour ceux qui ont besoin de notre aide.

« Tout est sous contrôle »

Le 6 avril 2019, nous avons été assignés sur un incendie de structure. L’arrière de mon autopompe était composé de trois jeunes pompiers fraichement diplômés de notre académie des pompiers du district. Deux d’entre eux n’avaient jamais pénétré dans un incendie et le troisième n’avait jamais répondu à un incendie dans notre service. Mon pompier senior n’avait que quatre ans de service, mais il était l’un des meilleurs technicien qu’un officier puisse demander. “Tout est sous contrôle.”

Scénario : À notre arrivée dans une habitation multifamiliale, nous n’avons pas immédiatement vu de fumée ou de flammes visibles. Mes yeux se posèrent sur le troisième étage lors d’un rapide balayage de la structure ; J’ai vu les vitres tachées de noir. C’était là. J’ai ordonné à mon équipe de tirer notre lance latérale jusqu’à la porte d’entrée du quadrant Alpha, et nous nous sommes mis au travail.

Nous avons monté les escaliers avec la ligne de premier secours, les équipements de protection individuelle et les appareils respiratoires autonomes sur le dos, une caméra thermique, nos outils de travail à portée de main, et la tâche de chacun clairement définie. Nous étions prêts à travailler et à calmer le chaos alors que se déroulait le pire jour dans la vie de quelqu’un.

Nous sommes entrés et avons fait face à une fumée épaisse, noire et âcre. J’étais en tête de file. Il y avait devant nous une victime. J’ai envoyé un compte-rendu aux intervenants par radio. Nous avons rapidement déplacé la victime sur le palier de l’étage, et deux de mes pompiers l’ont tiré à l’extérieur du bâtiment. Nous avons avancé dans l’appartement avec notre lance et avons rapidement éteint le feu. Nous avons fait tout cela en moins de quatre minutes. Pendant ce temps, des mesures de premiers soins se déroulaient dans la cour avant de la bâtisse. Le second capitaine et son équipe ont effectué une recherche primaire rapide, ont ouvert les plafonds pour s’assurer qu’il n’y avait pas eu de propagation verticale, puis il était déjà temps d’échanger les bouteilles d’air.

Quelques minutes plus tard, nous avons appris que l’occupant secouru avait un pouls. Quiconque a déjà été dans cette situation connaît ce sentiment : c’est euphorique. C’était pour ça qu’on était là !

Qu’est-ce qui a conduit à ce succès ? Capacités, connaissances, éthique de travail, compassion et passion pour le travail. Un résultat comme celui-ci ne se fait pas autrement. Malheureusement, la victime est décédée 12 heures plus tard, mais nous avons pu laisser à sa famille le temps de faire ses derniers adieux et de composer avec ce terrible événement.

Quelques jours plus tard, on m’a demandé combien de mes anciens étudiants de l’académie avaient participé à l’appel, réalisé le sauvetage, effectué la recherche primaire et complété l’extinction de l’incendie. Ma réponse a été : « Chaque membre du personnel, sauf un ». Nous poussons toujours nos étudiants à donner le meilleur d’eux-mêmes, et ce matin-là, ils avaient été extraordinaires. C’est une expérience gratifiante de faire partie de la solution, n’est-ce pas?

Nous ne gagnons pas toujours ; Certains bâtiments sont trop embrasés à notre arrivée et certaines personnes ne peuvent tout simplement pas être sauvées. Cependant, nous devons nous engager à respecter les normes les plus élevées ; Si vous respectez cette norme, continuez à tenter d’aller encore plus loin. Beaucoup d’hommes et de femmes avant nous ont fait de notre service d’incendie ce qu’il est aujourd’hui, et de notre profession, la plus admirée au monde.

Lors du FDIC de 2019, j’ai eu la chance de rencontrer l’un de ces hommes. Le vendredi matin, alors que je marchais pour assister à l’atelier du chef John Buckman sur l’enseignement à haute intensité, je me suis soudainement arrêté net dans mon élan. Il y avait le pompier (à la retraite) Kevin Shea du service d’incendie de New York, de la photographie désormais emblématique «Hope on a Rope». J’étais émerveillé. Je peux rassembler suffisamment de courage pour entrer dans des environnements qu’une grande majorité de la population fuirait, mais je ne pouvais pas rassembler le courage nécessaire pour parler avec le pompier Shea. Après le cours, lorsque le chef Buckman m’a donné encore plus d’énergie pour enseigner, j’ai revu Kevin Shea. Je me suis approché de lui et lui ai dit à quel point c’était un honneur de rencontrer l’homme qui est un nom familier pour les pompiers. Il a souri et a dit: “Nous faisions juste notre travail.”

C’est de cela qu’il s’agit. C’est pourquoi nous sommes ici.

Quand je pense à Kevin Shea et l’équipe 1, je pense aux appels où nous rencontrons des victimes d’incendie, des overdoses, des arrêts cardiaques et tout le travail que nous faisons pour préserver la vie. Je pense à un seul appel en particulier : une assistance au levage. Nous avons été envoyés pour aider les paramédics dans un logement multifamilial. Les notes indiquaient qu’il y avait un homme de 69 ans avec une paralysie du côté gauche à la suite d’un accident vasculaire cérébral. En entrant dans l’appartement avec l’un de mes pompiers, je me suis souvenu d’avoir vu cet homme me regarder. Ses yeux étaient sombres et son expression faciale était abattue. J’ai tout de suite pensé à mon propre père. Il avait également 69 ans à l’époque et avait eu de multiples problèmes de santé au cours des 17 dernières années. Je savais que je devais essayer de rendre la journée de cet homme positive. Comme nous l’avons assis dans sa chaise et avons pris ses signes vitaux, nous avons commencé à parler ensemble. Sa femme a dit qu’il était un vétéran du Vietnam, comme mon père. Il a servi dans le « Big Red One », 1ère division d’infanterie, comme mon père. Nous avons passé 10 minutes avec lui et sa femme. J’ai fait quelques blagues et son visage s’est illuminé ; Un changement complet par rapport à quelques minutes auparavant. Je suis parti en ressentant ce sentiment euphorique que j’avais fait une différence. Je pensais à quelque chose de poignant à dire en revenant aux quartiers. Avant que je puisse ouvrir la bouche, cependant, mes pompiers se sont allumés et ont expliqué à quel point cet appel avait fait une différence pour eux.

Peu importe que nous soyons des pompiers à temps plein, à temps partiel ou des bénévoles, dans une grande ville ou petite municipalité ; Le serment que nous jurons de protéger notre population ne change pas. Je pense souvent à ce que le chef Grady m’a dit il y a longtemps : « Traitez chaque appel auquel vous répondez comme si c’était une urgence chez votre mère ». Cela me permet de me dépasser à tous les jours et de pousser mes pompiers à en faire autant à chaque fois que j’en ai l’occasion.

Texte original de Joe Martin, Fire Engineering, 10 mai 2019

Traduction libre par Patrick Lalonde

Texte original : Why Are We Here? | Fire Engineering

Patrick Lalonde

Patrick Lalonde

Author

Diplômé en gestion à HEC Montréal et en Leadership public à la Kennedy School de l’Université Harvard, Patrick Lalonde a occupé plusieurs emplois à titre de gestionnaire dans les secteurs privé et public avant de démarrer la firme ICARIUM Groupe Conseil. Non seulement enseigne-t-il la gestion à HEC Montréal aux étudiants du baccalauréat et du MBA depuis plus de 20 ans, tant en français qu’en anglais, mais il collabore depuis 2004 avec une multitude d’organisations à développer le plein potentiel en gestion de leurs dirigeants par le biais de formations, de coaching et de services-conseils.